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Kolb, P., 1741. Description du Cap de Bonne-Esperance: où l'on trouve tout ce qui concerne l'histoire-naturelle du pays, la religion, les moeurs & les usages des Hottentots, et l'etablissement des hollandois, tirée des memoires de Mr. Pierre Kolbe ... dressés pendant un séjour de dix années dans cette colonie, où il avoit été envoyé pour faire des observations astronomiques & physiques. Amsterdam, Jean Catuffe, vol. 3, pp. [1-20], 1-280

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Location: Africa - Southern Africa - South Africa
Subject: Text as original
Species: African Rhino Species


Original text on this topic:
[1741: 13]
Du Rhinoceros
X. La grande ressemblance qu’il y a entre le Rhinoceros & l’Elephant, sera sans doute qu’on me pardonnera. si je joins dans un même Chapitre ces deux mortels ennemis. Dès qu’ils se rencontrent, le Rhinoceros court avec toute sa rage sur l’Elephant, qui, ne trouvant pas la partie égale, s’enfuit au plus vite, aussi-tot qu’il l’apperçoit. S’il est pris à l’improviste, le Rhinoceros fond sur lui, & lui ouvre le ventre avec la corne qu’il a sur le nez: ses entrailles sortent par cette plaie profonde, & il expire (1).
(10 Plin. Lib.VIII. cap.XX. Solin. cap.XLIII. Voice le passage de Pline: “Rhinoceros genitus hostis Elephanto, cornu ad saxa limato praeparat se pugnae, in dimicatione altum maxime petens, quam scit suis ictibus perulam esse.”
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XI. Les Auteurs qui ont traité du Rhinocéros, en parlent si diversement, qu’à peine s’apperçoit-on qu’ils veulent décrire le même animal; & s’il n’y a bien peu d’accord entre eux, il y aussi très peu de vérité dans ce qu’ils disent, soit pour la taille, la forme, ou la couleur de cet animal. Du moins ceux du Cap ne ressemblent que fort peu à ceux dont ils ont donné la description.
XII. Le Rhinocéros du Cap a la peau d’un brun foncé, approchant du noit. Elle est sans poil, couverte de cicatrices & d’égratignures comme celle del’Elephant; mais elle est si dure & si épaisse, qu’il est bien difficile de la percer avec le couteau le plus pointu. les peintres le representent armé de tous côtes d’une espèce d’écaille. Il n’a rien de sembable, mais il est si couvert d’égratignures & des cicatrices qui s’entrecoupent les unes les autres, qu’étant vu à quelque distance, il paroit effectivement defendu d’écailles.
Son museau ressemble à celui d’un cochon, mais tant soit peu plus pointu. Sur son nez il fore une corne d’un gris-brun, qui, sans doute à cause de l’usage continue qu’il en fait, est un peu recourbée du côté de la tête, de manière qu’elle ressemble assez à un soc de charrue. Elle varie de grandeur suivant l’age de l’animal; mais jamais elle ne passe deux pieds. Il a une autre corne sur le front, en ligne droite de celle qu’il a sur le nez. Cette seconde est jaune,
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& a ordinairement une paume de longueur dans un jeune Rhinocéros, & dans un vieux elle ne croit jamais au-delà de six pouces. Elle a la forme d’une tasse qu’on auroit coupée par le milieu. La cavité en est tournée du côté de la tête, qu’elle couvre comme d’un dôme. Cette corne empêche celle qui est sur le nez de faire tout le mal, qu’elle pouvroit faire sans cela. Ses oreilles sont plus petites, & ses jambes plus courtes, que celle de l’Eléphant.
XIII. Il a les yeux fort petits. Il ne voit absolument que devant lui: lorsqu’il marche & qu’il poursuit sa proie, il va toujours en droite ligne, forçant, renversant, perçant tout ce qu’il rencontre; il n’y a ni buisson, ni arbre, ni fonces épaisses, ni grosses pierres, qui puissent l’obliger à se détourner. Avec la corne qu’il a sur le nez, il déracine les arbres, il enleva les pierres qui s’opposent à son passage, & les jette derrière lui fort haut à une grande distance & avec un fort grand bruit; en un mot, il abbat tous les corps sur lesquels elle peut avoir quelque prise. Lorsqu’il ne rencontre rien & qu’il est en colère, baissant la tête il fait des sillons suir la terre, & il en jette avec fureur une grande quantité par dessus sa tête. Il grogne comme le cochon: son cri ne s’entend pas de fort loin, lorsqu’il est tranquille; mais s’il marche après sa proie, on peut l’entendre à unne grande distance.
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XIII [=XIV]. Il attaque assez rarement les hommes, à moins qu’ils ne le provoquent, ou que l’homme n’ait un habit rouge: dans ces deux cas, il se met en fureur, & renverse tout ce qui s’oppose à lui. Lorsqu’il attaque un homme, il se saisit par le milieu du corps, & le fait voler par dessus sa tête avec une telle force, qu’il est tué par la violence de sa chute. Alors il vient le lécher; & sa langue est si rude & si dure, qu’il lui enlève ainsi toutes les chairs. Il en fait de même aux autres animaux qu’il a tués.
XV. Si on le voit venir, il n’est pas difficile de l’éviter, quelque furieux qu’il soit. Il est fort vite, il est vrai; mais il ne se tourne qu’avec beaucoup de peine. D’ailleurs il ne voit, comme je l’ai dit, que devant lui; ainsi on n’a qu’à le laisser approcher à la distance de huit ou dix pas, & alors se mettre un peu de côté: il ne vous voit plus, & ne peut que très difficilement vous retrouver. Je l’ai expérimenté moi-même; il m’est arrivé plus d’une fois de le voir venir à moi avec toute sa furie.
XVI. Cet animal ne se nourrit pas d’herbes: il lui prefère les buissons, le genet, & les chardons. Mais entre toutes les plantes, il n’en est point qu’il aime autant qu’un arbuste qui ressemble beaucoup au genévrier, mais qui se sent pas aussi bon, & don’t les piquans ne sont pas à beaucoup près si pointus. Les Européens du cap appellent cette plante l’Arbrisseau du Rhinocécros.
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Les campagnes couvertes de bruyères en fournissent une grande quantité: on en voit aussi beaucoup sur les montagnes du Tigre, & sur la rivière du Banc des Moules. Les habitans de ces lieux le coupent & l’amassent, pour le bruler.
XVII. La chair du Rhinocéros, don’t j’ai souvent mangé & toujours avec beaucoup de plaisir, n’est pas si pleine de nerfs, que quelques Ecrivains l’ont dit.
XVIII. On fait usage en Médecine de sa peau, de sa corne, & de son sang. Un savant Allemand, qui avoit été employé au Laboratoire de Chimie que la Compagnie a à Batavia, m’a assuré qu’il avoit tiré de la peau de cet animal un sel, qui lui avoit servi à faire de très belles cures. Il s’en retoruna en Europe, tandis que j’étois au Cap; & eut soin de prendre, à ce qu’il me dit, une bonne provision de cette drogue, persuadé que par son moyen il feroit fort utile à sa patrie, & s’attireroit beaucoup de réputation.
XIX. La corne du Rhinocéros ne peut résister à l’attouchement du poison. J’ai souvent été témoin oculaire de ce phénomène. Plusieurs personnes du Cap ont des coupes faites de cette corne: on les monte fort proprement, soit en or, soit en argent. Si vous y versez du vin, vous le voyez sur le champ s’élever, fermenter, & bouillonner; mais lorsque la liqueur est empoissonnée, la coupe se fend: la même chose arrive
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lorsqu’on met dans la coupe le poison tout seul, & sans être mêlé avec le vin. Ce fait est connu, & a été vu de mille personnes; cependant quelques Auteurs nient formellement que la corne du Rhinocéros ait cette vertu.
Les Tourneurs qui font ces coupes, ont grand soin de ramasser les copeaux de ces cornes, & de les rendre aux propriétaire. On les croit d’un excellent usage dans les convulsions, les foiblesses, &plusieurs autres incommodités.
XX. Le sang de cet animal est aussi fort estimé au Cap. Lorsque les Européens en peuvent avoir de frais, ils le mettent dans un boyau du Rhinocéros, & le pendent au soleil pour le faire secher. C’est un spécifique admirable contre les obstructions, & pour consolider les plaies internes. On le prend dans un verre de vin, dans une tasse de thé, ou de caffé.
XXI. Tout ce que j’ai dit jusqu’ici sur le Rhinocéros, montre que l’opinion de quelque Savans, qui croyent que cet animal est le Léviathan don’t il est parlé dans l’Ecriture, n’est pas entièrement destituée de fondement. Voyez ce qui est dit du Léviathan, Monbr. XXIV.8. Deut. XXXIII.17 Job XXXIX.12-15.

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