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Turpin, F.R., 1771. Histoire civile et naturelle du Royaume de Siam, et des révolutions qu'ont bouleversé cet empire jusqu'en 1770. Paris, Costard, vol. 1, pp. i-xii, 1-452

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Location: Asia - South East Asia - Thailand
Subject: Text as original
Species: Asian Rhino Species


Original text on this topic:
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Rhinocéros. De tous les quadrupedes, le plus fort & le plus grand, après l'éléphant, est le rhinocéros [292] qui établit sa demeure dans les forets. Sa peau est un grand objet de commerce. Cet animal, qui a l'odorat très-fin, se place toujours au-dessus du vent: c'est dans les endroits marégaceux, où il habite par préference que les chasseurs lui tendent des embûches. Il se couche, pour dormir ou pour se vautrer, dans les eaux sangeuses. Quoiqu'il soit redoutable dans ses fureurs, il est très-facile à surprendre. Sa grandeur n'a rien d'extraordinaire; il est en général de la hauteur d'un grand âne, & il luiseroit entièrement sembable par la tete, s'il n'avoit au-dessus du nez une corne longue d'environ une palme. Quand il est en colere, il s'enfle, & paroit monstrueux. Sa peau est brune, & si dure, que le mousquet ne peut la pénétrer. Sa langue est hérissée d'une membrane si raboteuse, qu'il écorche tout ce qu'il lèche. Il brise sans effort les épines les plus dures,
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& sa bouche en est quelquefois ensanglantée. Le chasseur lui adresse son coup entre les oreilles, parce que c'est le seul endroit de son corps où la bale puisse pénétrer. C'est un préjugé universellement répandu en France, que cet animal est l'ennemi declaré des éléphant. Les Siamois n'ont jamais remarqué cette antipathie; & lorsque dans mes voyage j'ai été obligé de m'arrêter auprès des sources d'eau qui sont çà & là dans les forêts, j'ai souvent trouvé les traces toutes fraiches des pieds d'élephans & de rhinocéros, & mes conducteurs ne m'ont jamais parlé de cette aversion naturelle qui, dit-on, divise ces animaux. Je n'ai decouvert aucun vestige de ces combats sanglans qui coutent toujours la vie à un des adversaires. Si ces combats étoient réels, on y verroit des arbres renversés & des terres bouleversées, comme on le remarque dans des endroits où les éléphans se sont battus les uns contre les autres:
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c'est cependant dans les lieux où l'on trouve l'eau, que les deux espèces peuvent aisément se rencontrer. Les éléphans s'y rendent pour s'y baigner & les rhinocéros y cherchent les bois d'epines dont ils tirent leur nourriture.
Les Siamois élévent quelquefois de ces animaux pour en fair présent à l'empereur de la Chine. On est obligé de conduire à la cour du Roi tous ceux que l'on prend dans les bois, & cette commission est fort périlleuse, à moins qu'on n'ait la précaution de tuer la mere, qui les défend avec fureur. Elle ne part jamais qu'un petit à la fois, & l'on ignore pendant combien de mois, parce que l'on n'a jamais vu de femelles pleines dans les maisons.
Les rhinocéros fait sa nourriture ordinaire des épines les plus piquantes. Il ne se couche que dans des endroits pleins de bine, & dans les plus épaisses forêts. Il fouille la terre comme les cochons, pour y arracher différentes racines.
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Les Siamois trouvent que sa chair est d'un goût exquis, ce qui n'est pas surprenant, puisque cet animal ne se nourrit que de racines. C'est un présent délicat qu'ils font à leurs amis; & lorsqu'elle est fumée, ils en font un objet de commerce. Ils ont aussi grand soin d'en conserver le sang, & sur-tout celui du coeur, étant persuadés que c'est un remede qui guéerit les maux de poitrine & les maladies ordinaires aux femmes. Ils font dissoudre un peu de ce sang dans l'eau-de-vie ou de l'eau de riz, ils en prennent une petite dose tous les matins; & de sa corne ils font des tasses qu'ils regardent comme un puissante antidote contre toutes sortes de poissons; & c'est en conséquence de cette persuasion que la plupart des Rois de l'Inde ne boivent que dans des coupes de cette matiere: & il est des cornes qui se vendent jusqu'à cent écus. Quand on la fend par le milieu, on y apperçoit differentes figures;
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& l'oeil séduit croit y appercevoir des hommes, des animaux, des arbres & des fruits: enfin toutes les parties de son corps entrent dans l'art de guérir.
Les Siamois font de sa peau des rondaches legères, qui sont à l'épreuve des coups du fusil. Ils choisissent par preférence la peau qui couvre les cuisses & les épaulles, qui sont plus hérissées d'écailles que les autres parties du corps. Le reste de la peau ne leur devient point inutile; ils la font sècher par morceaux, & quand ils en veulent manger, ils la mettent bouillir; elle devient fort tendre; & lorsqu'elle est bien cuite, on lui attribue la vertu de purifier le sang. Tant d'utilités réunies devroient rendre précieux. Cet animal, si on pouvoit l'apprivoiser aussi aisément que l'éléphant; mais l'art n'a pu réussir à le dépouiller de sa ferocité naturelle.

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